samedi, avril 27, 2024
Préoccupations

Le Club Med à la Palmyre : atout ou épée de Damoclès ?

Vous avez sans doute vu dans la presse que notre association avait déposé, avec Nature Environnement 17, un recours gracieux contre le permis de construire déposé par la Sempat 17 à la mairie des Mathes pour des aménagements et agrandissements du Club Med de la Palmyre (voir articles dans Le Littoral du 11/12/2015 et du 1/1/2016 et dans Sud Ouest lien1lien2).

Voici quelques éléments de réflexion.

La genèse

Lorsqu’en 2002, le Club Med a fait part de son intention de s’installer à la Palmyre à l’emplacement du centre de vacances du groupe Mornay, beaucoup, notamment des élus, ont considéré que c’était extrêmement positif pour la commune des Mathes et le département en général : notoriété, emplois directs et indirects, consommation, …

Tout a donc été mis en place pour faciliter son implantation. Une société d’économie mixte, la Sempat 17, est créée avec une participation majoritaire du département, pour apporter les financements nécessaires à l’acquisition du foncier et des installations de l’ancien club de vacances, et pour la réalisation des bâtiments et des espaces de loisirs. Plus de 40 M€ sont ainsi mis sur la table, provenant pour partie de fonds publics et d’emprunts auprès d’organismes financiers (article 1, article 2).

 

Actionnariat de la Sempat 17 (source site) avant la dernière augmentation de capital.

 

A l’époque, personne ne s’émeut du fait que ces nouveaux bâtiments soient en violation de la loi Littoral, car en espaces proches du rivage et en dehors de zones urbanisées. Ni du fait que l’ONF accorde l’usage privatif de quelque 2 hectares de forêt domaniale pour que les clients puissent installer leurs transats et accéder directement à la plage.

Le Club Med ouvre à La Palmyre en 2003 sur un site dont la Sempat 17 est propriétaire. Il paye un loyer annuel de 3,2M€ (lien2) qui permet à la Sempat, de rembourser les emprunts consentis, et sans doute de dégager une marge. La commune des Mathes y a une participation très minoritaire, et le retour dans ses caisses est tout aussi minime.

Le club ouvre de Pâques à la Toussaint et rencontre un certain succès auprès d’une clientèle a priori familiale.

En 2008-2009, nouveau programme d’envergure, cette fois avec la commune des Mathes, propriétaire des parcelles, et un promoteur privé. Les 42 ha de pinède en bord de mer, entre la Palmyre et le Club Med, sont confisqués à l’usage public et transformés en un golf 9 trous et un programme immobilier. Ayant un accès direct pour le Club Med, ce golf vient  conforter l’offre de loisirs aux vacanciers du Club. Le golf fait l’objet d’un bail emphytéotique, mais quelques hectares sont vendus pour réaliser un programme immobilier haut de gamme, bien entendu toujours en violation avec la Loi Littoral. Ce programme immobilier aura bien du mal à démarrer et devra réduire la taille des parcelles proposées pour se concrétiser. Voir la Côte de Beauté N°101.

L’érosion du littoral

L’année 2010 est marquée par la tempête Xynthia, qui sera un révélateur du danger “risque submersion”. La digue résiste globalement, une partie du club est inondée.

Car, depuis les années 1960, l’érosion marine est à l’œuvre. Il n’est qu’à regarder les photos aériennes de l’IGN ci-dessous, pour s’en convaincre. 

{phocagallery view=category|categoryid=6|limitstart=0|limitcount=0|imageordering =2}

 

L’installation d’enrochements dans les années 1970, pour protéger la toute nouvelle station balnéaire de La Palmyre et le club de vacances Mornay (prédécesseur du Club Med), ne feront qu’accélérer l’érosion au delà des enrochements. En une cinquantaine d’années, la plage voisine du Club Med, aura reculé, hiver après hiver, de près de 300 m !

Au point qu’à la fin de l’hiver 2014, qui avait vu se succéder plusieurs coups de vent, il a fallu installer en urgence 170 m de nouveaux enrochements pour stopper cette érosion et éviter une inondation par l’arrière du Club Med et, plus loin, d’habitations de La Palmyre.

   

Il serait intéressant de connaitre le montant total de tous les travaux d’installation et de restauration de la digue au fil des années.

On connait les conséquences de ce genre de digue : affaissement de la plage devant les enrochements, érosion amplifiée dès son extrémité, rechargements en blocs rocheux continuellement nécessaire. Et bien sûr, dès que le coefficient de marée devient quelque peu important, la plage se réduit à un tas de cailloux à marée haute….

 De fait, l’ouvrage est déjà sérieusement attaqué aujourd’hui, et le trait de côte a reculé de plusieurs mètres à son extrémité. Les deux photos ci-dessous montrent l’évolution avant et après le coup de vent de ce lundi 11 janvier 2016. 

 

   

 

La saga du Groupe Club Méd

Parallèlement, de mai 2013 à janvier 2015, le Club Med subit lui aussi des turbulences : deux investisseurs, l’un italien, l’autre chinois, se disputent la prise du capital du groupe à travers une OPA qui restera la plus longue bataille boursière française au profit du conglomérat chinois Fosun (source).

Celui-ci souhaite une montée en gamme de ses villages, ce qui impose d’importants travaux au Club Med de La Palmyre, pour acquérir un 4ème trident. La Sempat 17, propriétaire du site, dépose donc un permis de construire à la mairie des Mathes  qui l’accordera fin septembre 2015.

Le projet déposé par la Sempat 17 prévoit la construction de nouveaux bâtiments et la transformation de bâtiments existants, sur l’emprise des terrains loués par le Club à la Sempat 17. Certains  sont en espaces proches du rivage au sens de la Loi Littoral, et en covisibilité par rapport à l’océan.  Il en ressort que le projet proposé n’est pas recevable en l’état et que la mairie et les services de l’Etat n’auraient pas dû valider le permis de construire.

Quel avenir ?

On entend dire que le Club Med pourrait rompre le bail s’il ne peut pas faire les agrandissements souhaités. Mais lui accorder ce permis les yeux fermés ne garantit absolument pas qu’un jour ou l’autre il ne parte pas parce que l’absence de plage deviendra pour sa clientèle inacceptable, ou pour toute autre raison économique, éventuellement internationale.

Combien de millions d’euros devront être injectés par le département et la commune des Mathes pour les travaux et la défense contre la mer, travaux qui par ailleurs concerneront tout le front de mer ? Les comptes de la Sempat, dont l’actionnaire principal est le département,  tiendront-ils ? Ceux de la commune des Mathes sont aussi directement concernés : les conseils municipaux du 20 octobre et du 15 décembre 2015 ont voté une augmentation de 80000€ de sa participation au capital de la Semapt 17, et fixé sa caution à 83000€ (source). De son côté, le golf voisin semble bien en situation difficile.

A Demain Les Mathes, nous ne sommes pas opposés au développement du Club Med, en conformité à la législation, mais nous souhaitons que ce développement lié au tourisme s’accompagne  de mesures, prises par la commune et le département, qui permettent  une politique forte et pérenne de préservation de nos espaces naturels, tout au moins de ce qu’il en reste, sur la commune en général, et qui aille bien au-delà de propos lénifiants.

 

Laisser un commentaire